Perdues les clefs
Attaché là. Tes membres en pleurs dégoulinent.
Les lions et les ronces et toi là, les mains qui regardent le ciel et implorent, implorent à grands cris horrifiés la fin du monde
toi dont les parties commencent à se lacher les unes, autres
toi dont les membres crachent leur sang et l'horreur de leurs armes
tu es ici sous mes yeux
tu as ordonné
"qu'ils l'attachent ! qu'ils crèvent ses yeux et les recouvrent de tissu noir !"
mais dans le noir je renifle le sable souillé de ton sang
la farine et tes cris je les entends
tu as ordonné "battez-la à en perdre l'ouïe"
ils m'ont battue me restent les doigts
et ces crevasses
je les sens les cordes et ce qui dégouline tes cris les vibrations dans l'air que je touche - on ne m'enlevera pas la peau
et c'est cette danse abominable, celle des morts répétées, de la folie qui gratte et arrache les petites peaux
ils m'ont mordue aussi
dans les gradins mes yeux voyaient
de haut de loin je savais voyais
et tes cris
j'ai pris l'aiguille et au milieu de la pupille moi-même
moi-même j'ai pris le tissu dans mes mains moi-même les coups
l'odeur des lions
l'horreur abominable d'avoir fermé mes yeux percé les yeux
je cherchais mes clefs
quand les lions
les ronces ton sang
mon sang-ton sang
La mère.
Sous ses yeux
enfoncer un demi doigt dans chaque oeil (c'est toi qui a mis l'aiguille dans ma main)
(c'est toi qui a guidé le poignet)
L'amour qui vient du centre de l'arène
entre les lions au centre des
ronces
là contre le
pieu
l'amour qui vient de là
qui avec ses mains ferme les yeux
qui avec ses cris ferme les oreilles
avec son sang ferme le coeur
avec les larmes ferme au sommeil
douleur de l'aimé qui voit.
Clefs dans la poche.